Mélo-die

Leurs morceaux demeurent intemporels, leurs destins aussi ! Mélo-die est une newsletter qui te fera découvrir les vies brisées de la musique, sous tous ses aspects !

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Par Mathieu Plasse
15 oct. · 4 mn à lire
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Club des 27 : la légende maudite de la musique

Expression qui a refait surface dans la dernière décennie, le Club des 27 demeure une fabuleuse entrée en matière pour faire comprendre la ligne de cette newsletter : retracer en quelques mots vie et musique d'artistes maudits.

Amis du soir, bonsoir.

A une époque me paraissant déjà très lointaine, se trouvait une série d’émissions de télévision très particulière en elle-même : les 30 Histoires. Présentées par Carole Rousseau ou Jacques Legros, ce programme, comme son nom l’indique, racontait une série de trente récits particuliers, pouvant même tomber dans le surnaturel. Aujourd’hui, on peut repenser que tout cet ouvrage faisait un peu cheap. Mais c’est à travers cela que j’aie pu découvrir des histoires telles que la Dame Blanche ou le miracle de Marie Simon-Pierre. Ainsi que le mythe que je vais vous présenter aujourd’hui.

Le Club des 27, secte de damnés

Pour les rares ne connaissant pas cette légende urbaine, le concept est très simple. Le Club des 27 (ou Forever 27 Club en anglais) correspond à un ensemble de musiciens, le plus souvent proches du rock ou du blues, nous ayant quittés à l’âge de vingt-sept ans. Un âge représentant le sommet de leur carrière, arrêtée brusquement. Point commun supplémentaire, tous ces artistes connaissent des déboires très importants dans leur vie personnelle, notamment avec l’addiction, cause de leur décès. Cette fable va prendre en ampleur au mois d’avril 1994, mois durant lequel Kurt Cobain, leader du groupe Nirvana, sera retrouvé mort, d’un suicide par balle. Suicide encore aujourd’hui sous le feu des controverses, certains soutenant la thèse d’un assassinat.

Dans une interview prenant place quelques mois après son décès, la mère de Kurt Cobain tiendra ces mots quelque peu erratiques :

Il est parti et a rejoint ce stupide club. Je lui avais dit de ne pas rejoindre ce stupide club.

Certains pensent qu’elle fait référence à deux de ses oncles, eux aussi morts par suicide, mais nombreux se dirigent vers la thèse du Club des 27. Un Club aujourd’hui pris comme référence par de nombreux artistes, comme les rappeurs Jok’Air et Juice WRLD, mais aussi le groupe Fall Out Boy.

Trois années pour créer une légende

Si le Club des 27 eut un pic de réputation durant les années 90, c’est bien lors du passage entre les sixties et les seventies que la légende se créera. Entre 1969 et 1971, pas moins de quatre icônes de la musique trouveront la mort dans des circonstances peu glorieuses. Le 3 juillet 1969, Brian Jones, fondateur des Rolling Stones, est retrouvé inerte dans sa piscine. Un mois plus tôt, le guitariste devait quitter sa propre formation, son addiction à la drogue devenant source de trop de problèmes et d’un manque de productivité. Le 18 septembre 1970, Jimi Hendrix, celui que l’on peut considérer comme le plus grand guitariste de tous les temps, sera retrouvé mort, victime d’une overdose de médicaments et d’alcool.

Tombe de Jim Morrison au Père-Lachaise, toujours fleurie cinquante ans plus tard. (Crédit photo : Michel Euler, AP) Tombe de Jim Morrison au Père-Lachaise, toujours fleurie cinquante ans plus tard. (Crédit photo : Michel Euler, AP)

Quelques jours plus tard, le 4 octobre, Janis Joplin, chanteuse iconique du mouvement hippie par sa voix électrisante, succombe à son addiction pour l’héroïne. Enfin, le 3 juillet 1971, Jim Morrison, leader charismatique des Doors, meurt dans un appartement parisien d’une crise cardiaque, conséquence de sa prise outrancière de substances illicites. La symbolique de cette série maudite se commençant et se terminant un 3 juillet ajoute quelque chose à la légende.

Un conte transmis à travers les générations

Bien sûr, ils ne sont pas les seuls à faire partie de ce groupe un peu spécial. Le membre fondateur étant Robert Johnson, parmi les plus grands guitaristes de tous les temps, disparu mystérieusement le 16 août 1938. Ce qui lancera aussi le mythe du pacte avec le diable, thème grandement réutilisé dans les arts jusqu’à aujourd’hui. Et qui pourrait bien être revu dans cette newsletter.

Mais l’autre (et dernière, heureusement) artiste marquante de ce Club est bien sûr Amy Winehouse, partie le 23 juillet 2011, d’une surdose d’alcool. Sa disparition, ainsi que l’explosion d’Internet, vont permettre de diffuser le mythe à une nouvelle génération. Une de plus.

Pourtant, comme vous le savez sûrement : qui dit mythe, dit réalité. Et il se trouve que la réalité demeure bien décevante, loin de quelconque malédiction ou dangerosité.

Et pourquoi pas un Club des 26 ?

Prenons un exemple concret : listons les grands chanteurs (ou musiciens) décédés à l’âge de 26 ans. Il se trouve que l’on a de quoi remplir un beau pedigree : Otis Redding, Mac Miller (grand rappeur et producteur américain) ou encore Nick Drake (pour le coup, véritable chanteur maudit). Et, ô surprise, tous trois sont morts dans des conséquences tragiques : overdose voire crash d’avion pour le King of Soul.

Si l’on prend ceux partis à l’âge de 28 ans, encore une fois il y a du monde : Avicii et Mike Brant. Nous pouvons même élargir à Heath Ledger et Brandon Lee en ce qui concerne les acteurs. Pourtant, personne n’a jamais pris l’initiative de créer un Club des 28. Ni d’inclure dans le club de légendes, tous les autres musiciens de tous horizons, décédés à l’âge de 27 ans. Pourtant, il y en a eu encore très récemment à l’image de MohBad, rappeur très connu au Nigeria, mort de circonstances encore inconnues.

Pour dire à quel point le phénomène prit de l’ampleur, il fut même obligatoire pour des chercheurs de le débunker. Ils ont alors décidé d’étudier 1046 musiciens, tous arrivées numéro 1 des ventes au Royaume-Uni depuis des décennies. Le constat est clair : rien à signaler. Les scientifiques ne démentent pas l’idée que ces célébrités peuvent mourir très jeunes du fait d’un mauvais entourage et d’une mauvaise gestion. Mais en aucun cas à un âge spécifique.

Artistes et santé mentale

Le Club des 27 n’a pas apporté que de bonnes choses, notamment la pensée lentement répandue que ce serait classe de vivre à la rock’n’roll, de faire toutes les addictions possibles et imaginables, et mourir dans son vomi avant la trentaine. Je vais vous surprendre : non, ça ne l’est pas. Pourtant, cette légende donna des idées à d’autres grandes stars du monde de la musique. Certains, essorés par le monde de la musique et leur vie personnelle, ont même pensé à mettre fin à leur vie à vingt-sept ans, pour rejoindre ce fameux Club. L’exemple le plus connu étant celui de Lana del Rey, qui a provoqué les foudres de Frances Bean Cobain, fille de Kurt.

Cependant, il a pu a posteriori, offrir un constat sur la santé mentale des artistes. A travers le rythme de travail infernal, le monde qui attend toujours plus de toi, la vie personnelle, les déboires économiques pour certains, un constat s’éclaircit : le public et les structures s’intéressent à l’artiste, et non à ce que la personne derrière peut endurer. Encore plus si elle se retrouve en position de faiblesse. Mais c’est un constat qui a évolué ces dernières années : les stars ont moins peur de délier leurs langues en ce qui concerne d’admettre toucher le fond (Billie Eilish en première ligne). Des organisations se créent pour soutenir mentalement les artistes en difficulté. Le tout pour éviter que d’autres drames ne se reproduisent plus jamais.

Et la musique, dans tout ça ?

Pour conclure le sujet, nous allons nous quitter sur une petite liste de musiques faites par les victimes de ce fameux club. Evidemment, en essayant de vous faire découvrir des morceaux. Si je viens vous dire “allez écouter All Along the Watchtower”, il est possible que je vous prenne pour un idiot.

  • L.A Woman - The Doors (1971)

    Perçue comme la plus grande musique évoquant Los Angeles jamais composée, l’outro de l’album éponyme est vue comme l’adieu de Jim Morrison à la Cité des Anges, avant son départ pour Paris. Un mélange rock and blues absolument lancinant.

  • Piece of My Heart (1968) - Big Brother & Holding Company ft. Janis Joplin

    La chanson, originellement interprétée par Erma Franklin, est tout ce qu’il y a de plus classique. Une femme donne son cœur à un homme, qui finit brisé. Mais la voix électrique, la liberté et l’énergie de la texane fait passer par toutes les émotions. Un symbole musical d’émancipation, devenant à jamais la première rockstar.

  • Travelling Riverside Blues - Robert Johnson (1937)

    De par sa créativité sans limites et son absence de fausses notes, Robert Johnson maîtrisait la guitare comme personne, trente ans avant tout le monde. De par sa voix expressive, le bluesman évoque le désir, l’amour mais aussi les difficultés d’être sur la route toutes les saintes journées. Une des gloires du genre, parmi les rares qui enregistreront ses œuvres, permettant ainsi de diffuser un genre bicentenaire à jamais.

Fin du voyage, retour chez les vivants

Ainsi s’achève le premier chapitre de Mélo-die. J’espère que vous aurez appris un tas de choses et découvert quelques musiques que vous n’avez pas l’habitude d’écouter. J’ai choisi de commencer par quelque chose de mondialement connu, mais il n’est pas impossible que l’on commence à plonger dans les méandres de la musique très rapidement.

Si vous avez des propositions d’artistes maudits ou d’histoires en lien avec la musique et la mort, ainsi que des remarques sur mon travail, n’hésitez pas à me le faire savoir !

D’ici-là, portez-vous bien, et gardez vos oreilles et vos esprits actifs.